Un rire fuse dans les salons dorés du Ritz, éclaboussant l’élégance feutrée d’une promesse de fortune facile. Marco Mouly, costume impeccable et sourire acéré, traîne derrière lui une traînée d’indices et de billets envolés. Où finit la comédie, où commence la réalité chez cet homme qui a transformé la fraude à la taxe carbone en véritable bal masqué parisien ?
À la lumière crue de la série D’Argent et de Sang, Mouly déroute autant qu’il captive. Entre imposteur flamboyant et anti-héros assumé, il brouille sans cesse les frontières, au point que même ses juges s’y perdraient. Impossible de trancher : victime de ses propres excès ou virtuose de l’illusion ? Une seule certitude, il cultive l’insaisissable.
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Marco Mouly, figure insaisissable de l’arnaque à la française
Derrière le nom de Mardochée Mouly, né en Tunisie et grandi à Belleville, se cache un as du système D devenu l’un des cerveaux de la fraude à la taxe carbone au début des années 2000. Avec Arnaud Mimran, Samy Souied et Grégory Zaoui, il exploite la brèche ouverte par la libéralisation du marché des quotas carbone : ce mécanisme censé réguler la pollution va surtout servir de tremplin à une escroquerie à la TVA jamais vue. En l’espace de quelques mois, les complices détournent des centaines de millions d’euros en omettant de reverser la TVA à l’État.
Mais la fête ne dure pas. Rattrapés par la justice, Mouly et Mimran font face au Tribunal correctionnel de Paris puis à la Cour d’appel, qui les condamnent à huit ans de prison et un million d’euros d’amende. Le préjudice s’élève à 1,6 milliard d’euros pour la France, 6 milliards pour l’Union européenne. Mouly, sommé de rembourser 283 millions d’euros, passe par la Suisse, Tel Aviv, puis revient en France, accumulant les condamnations : trois ans de prison supplémentaires en 2019 pour escroquerie en bande organisée, mise en examen pour extorsion de fonds…
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- Marco Mouly : tuniso-parisien, enfance à Belleville
- Alliance avec Arnaud Mimran, Samy Souied et Grégory Zaoui
- Huit ans de prison, un million d’euros d’amende, trois ans de plus en 2019
- Dette de 283 millions d’euros envers l’État
Son ascension, à mi-chemin entre les mondanités et les salles d’audience, intrigue autant qu’elle dérange. La fortune de Mouly, bâtie sur les failles du marché européen du carbone, expose la frontière floue entre créativité financière et grand banditisme. Impossible de l’ignorer : Mouly incarne une arnaque à la française où l’aplomb et la ruse se mêlent à une audace presque théâtrale.
Quels mystères entourent son parcours et sa personnalité ?
Ce qui intrigue chez Marco Mouly, ce n’est pas seulement son savoir-faire en montage financier. C’est la trajectoire d’un homme passé des rues populaires de Belleville aux antichambres du crime organisé, puis à la une des journaux. Le nom officiel, Mardochée Mouly, n’est qu’un masque parmi d’autres. Derrière, une vie faite de rôles multiples, d’alliances fragiles et de ruptures spectaculaires.
Autour de lui, des partenaires qui fascinent autant qu’ils inquiètent. Mimran, Souied — assassiné en pleine rue à Paris en 2010 —, Zaoui : le cercle est aussi redoutable qu’instable. L’affaire de la taxe carbone n’est qu’un chapitre d’une saga marquée par extorsion, blanchiment et règlements de comptes. Mimran, lui, écope de treize ans pour séquestration et reste impliqué dans plusieurs homicides, dont ceux de Claude Dray, Samy Souied et Albert Taieb.
- Mise en examen pour extorsion de fonds entre 2015 et 2017
- Condamné à trois ans de prison pour escroquerie en bande organisée en 2019
- Compagnon de route de Mimran et Souied dans les arcanes du grand banditisme
La justice, elle aussi, se heurte au brouillard permanent que Mouly entretient. Chef de bande ou bon vivant ? Manipulateur ou simple conteur ? Il joue de son image, s’amuse des caméras, brouille les pistes et cultive l’ambiguïté comme un art de vivre. Son histoire, constellée d’affaires criminelles, s’enrichit à chaque apparition d’un nouveau coup d’éclat, d’une confession savamment dosée ou d’une anecdote qui défie la logique.
D’argent et de sang : la série qui a relancé le mythe
Quand la fiction décide de s’emparer du réel, le récit prend une dimension nouvelle. Avec D’Argent et de Sang, Canal+ revisite l’affaire Mouly dans une fresque ambitieuse, à mi-chemin entre enquête haletante, polar financier et chronique sociale. Portée par Xavier Giannoli et inspirée du livre de Fabrice Arfi, la série replonge dans les coulisses troubles des arnaques au quota carbone. Ici, tout se joue dans un Paris où les salons feutrés croisent les parkings anonymes et les deals à la volée.
Les personnages, eux, s’inspirent du réel pour mieux brouiller la frontière entre vérité et invention :
- Alain Fitoussi (Ramzy Bedia) — double fictionnel de Marco Mouly, séducteur, roublard, imprévisible.
- Jérôme Attias (Niels Schneider) — avatar d’Arnaud Mimran, dont il reprend le flair et la fureur.
- Bouli — inspiré de Samy Souied, magnétique et insaisissable.
La série met en lumière les stratégies d’enrichissement éclair et la manière dont la fraude devient spectacle. Au cœur du paradoxe : un dispositif pensé pour la planète devenu machine à détourner des fortunes — 1,6 milliard d’euros envolés côté français, 6 milliards pour l’Europe entière.
Avec le documentaire Netflix Les rois de l’arnaque, la légende Mouly franchit une nouvelle étape. Cette fois, c’est lui qui raconte, oscille entre confession et provocation, brouille les repères. Fiction et réalité s’emmêlent, nourrissant la figure d’un homme aussi insaisissable que les millions qu’il a fait disparaître.
Entre fascination et controverse, pourquoi Marco Mouly captive toujours autant
Impossible d’échapper à la silhouette de Marco Mouly. Depuis le succès de la série Canal+, il passe d’un plateau télé à l’autre, maniant la dérision et la provocation avec l’aisance d’un vieux routier. Sur TPMP, il commente ses propres arnaques comme un expert du système ; sur France 5, le voilà invité à décortiquer les dessous médiatiques de sa saga.
L’homme ne se contente pas de la télévision. Il signe La Cavale, récit où il revisite sa vie sur le fil, et s’essaie à la chanson, livrant un titre où se mêlent second degré et autoparodie. Partout, le goût du show s’affiche : Mouly brouille la frontière entre délinquant et entertainer, entre récit criminel et performance publique.
- Chroniqueur régulier sur TPMP, il détaille les arcanes de ses combines et joue le rôle de consultant de l’ombre.
- Auteur et chanteur, il surfe sur la fascination pour les grandes fraudes et les personnalités hors-norme.
Ce magnétisme tient à sa capacité à transformer chaque déboire judiciaire en épisode d’un feuilleton national. Mouly n’est plus seulement un cas de jurisprudence : il est devenu une figure de la pop culture, symbole d’une époque où le scandale se consomme comme un divertissement. Sur ce fil tendu entre provocation, récit et justice, il continue de se jouer des cases et des certitudes. La prochaine scène ? Nul ne peut la prévoir, mais elle promet, encore une fois, de dérouter le public comme les juges.